Sur la ligne bleue des Vosges

Délaissant le Mont Afrique et le col de la Miale, c’est vers la « Ligne Bleue des Vosges » que nous allons faire notre rentrée, près du village de Ventron où les bûcherons d'autrefois façonnaient le bois et le descendaient dans la vallée au moyen de schlittes.

La météo n’est pas optimiste ce vendredi, mais on ne va pas se mettre la rate en court -bouillon... Les deux Patrick, Josiane, Odile, Guy, Michel, Jean-Emmanuel, Brigitte, Laurence, Sébastien nous rejoignent Bernadette et moi et arrivent en ordre dispersé dans la soirée au chalet de Jeanine. Patrick2 fait péter quelques bouchons, histoire de braver la pluie qui commence à tomber.

Samedi matin, coup  d’œil furtif par la fenêtre. Oups ! Je ne vois ni la montagne d’en face ni le chalet du voisin. « Si le goéland de Gérarmer se  gratte le gland, signe de mauvais temps. S’il se gratte le cul, fait pas beau non plus ! » dit un proverbe vosgien (1). Je ne vois pas de goéland. Mais j’entends soudain la petite voix (Domrémy n’est pas loin) de Frère Joseph, ce courageux ermite qui a vécu tout près d’ici, sur les sommets : « Brouillard du matin n’arrête pas le pèlerin ».

Du col d’Oderen nous irons vers la Tête de Fellering et le Drumont. Nous longerons  les bornes de granit balisant la frontière franco-allemande de 1870 et reviendrons par Gustiberg et le Chemin des Alliés.

Le rythme est soutenu. Brigitte, sans bâton, prend la tête de la procession. Mais bientôt, une vieille entorse fait ralentir la gazelle. Odile lui passe l’un de ses bâtons. Deuxième coup de mou de Brigitte... Je lui passe à mon tour un de mes Leki. Équipe d’un bâton plus court que l’autre, le dahu faiblit à nouveau. J’ai dans ma besace un gel énergétique qui la remet sur pied en moins de deux. Odile, habituée à courir sans bâton,  lui passe son deuxième bâton et je récupère le mien. Frère Joseph veille sur nous et Brigitte est à nouveau opérationnelle.

Soucieux de sa proprioception, Patrick2 nous fait une démonstration de tamouré sur un plateau d’équilibre improvisé avec un gros tronc d’épicéa.  Il ne lui manque que le pagne en feuilles de bananier, le soutien-gorge en noix de coco et la fleur de tiaré au-dessus de l’oreille... Il manque le soleil aussi....

Justement, au sommet du Drumont (1200 m), celui-ci va faire une apparition inespérée, saluant l’héroïque épopée bourguignonne.  La brume et le soleil donnent une image irréelle sur la vallée.

Hésitations pour retrouver le chemin conduisant vers Gustiberg. Passage au-dessus des clôtures électriques, puis au-dessous...Descente dans les tranchées creusées par les poilus de la Grande Guerre en slalom à travers les bouses. Les clôtures à nouveau... Je sollicite Frère Joseph et le père Orux et ils me font apparaître miraculeusement les triangles bleus.  

Le chemin des Alliés qui nous ramène au col permettra à quelques énergumènes d’en découdre pour un final digne d’une compétition de marche nordique.

Un bon repas nous attend au chalet. Josiane a emmené le champagne, Bernadette a préparé une terrine et une joue de porc au bourgogne, Michel a emmené le fromage, Jean-Emmanuel un flanc exquis.  Patrick2 s’est, comme à l’accoutumée, chargé de la carte des vins.  On rit, on chante ...

J’aurais du mal à décider la troupe de reprendre la marche l’après midi... Patrick parle de sieste, Patrick2 de ses courbatures de vahiné. Finalement, je décide Sébastien, Jean-Emmanuel, Odile et Michel pour le « chemin de croix » conduisant à la chapelle de l’Ermitage.

C’est ici, dans les années 60 et bien avant l’éclosion des sœurs Goitschel, que les sœurs Leduc s'entraînaient avant de briller aux Jeux Olympiques de Squaw Valley.

Michel brille moins et il a un petit coup de mou dans la montée au-dessus des pistes de ski. Je me sens donc obligé de rester près de lui et de redescendre(2).

Le repas du soir sera encore léger (pizza de Laurence, restes de terrine et show suey d’Odile) et arrosé seulement de Cerdon, Sancerre et de Mouton Cadet 1995.

Dimanche matin. C’est avec un soleil retrouvé que nous attaquons l’ascension du Grand Ventron. Les grands tétras (3), les loups  (4) et les vaches vosgiennes sont tout proche.   Ah...! la vache vosgienne blanche et noire avec sa robe mouchetée et ses cornes recourbées vers le haut... La chanteuse canadienne Fabienne Thibeault  lui a rendu hommage (5). Sans elle (la vache) point de Munster fermier, point de Géromé. 

C’est moins dur qu’hier, apparemment. Le beau temps retrouvé et l’entrainement d’hier y sont pour quelque chose. Brigitte a retrouvé la forme et des bâtons de marche nordique. Patrick 2 s’est remis de son déhanché tahitien et ses efforts sur le chemin des Alliés. 

A un petit arrêt à la chaume des Vintergés, surplombant le lac de Kruth Wildenstein, je propose un concours de saut de vaches vosgiennes. Patrick commence l'entraînement sur une grosse pierre un peu moussue. Jean-Emmanuel et Michel se lancent aussi. C’est le tour d’Odile. Mais la mousse,  ça glisse... ! Chute sans gravité. Mais le concours de saut de vosgienne est ajourné.

Nous poursuivons à travers digitales, champs de brimbelles (6), d’arnica, de gentiane, de framboises et de bruyères  callunes vers la chaume du Grand Ventron.

Au sommet la table d’orientation nous fait découvrir une vue panoramique  sur l’ensemble  des  Ballons des Vosges. Nous retrouvons Bernadette, Jeanine et Guy qui sont montés en voiture avant un dernier repas marcaire léger à la ferme auberge (lard fumé, terrine, toffailles (7), munster, tarte aux brimbelles...)

C’est l’heure, hélas, de repartir. Je vais effectuer la descente avec Jeanine, histoire de digérer un peu. Les Bourguignons vont regagner leur territoire les yeux pleins de belles images, les pattes raides et l’estomac un peu trop plein. Un peu de régime les jours qui suivent ne fera pas de mal.  Enfin il y des « kouign amann » bientôt à tester lors d'une prochaine marche, en Bourgogne cette fois. Il faut bien faire honneur à toutes les régions.  

Les traces principales :

- Du Col d'Oderen vers le Drumont 

- du Col d'oderen vers le Grand Ventron 

(1)    Ou breton....

(2)    Tout commentaire désobligeant sera censuré.

(3)    Sorte de coq de bruyère  en voie de disparition

(4)    Il y a quatre loups recensés dans le massif vosgien

(5)    http://www.fabiennethibeault.com/lesagriculturelles/lavosgienne.html

(6)    Myrtilles

(7)    Pommes de terre à l’étouffée.